L’ouverture du droit de vote aux jeunes de seize ans pourrait-elle être la solution pour réconcilier les jeunes avec les urnes ? La question demeure inlassablement posée après chaque élection, à mesure que les chiffres de l’abstention détaillent des taux bien trop élevés du côté des 18-35 ans. En France, aux dernières municipales, plus de 70 % d’entre eux n’ont pas fait le déplacement pour exprimer leur voix.
Pourtant, comme l’explique Céline Braconnier dans ce podcast, professeure et spécialiste de l’abstention, il existe un enjeu démocratique à réconcilier les jeunes avec les urnes. « Moins les jeunes votent, moins les candidats ont intérêt à proposer des offres qui s’adressent en particulier aux jeunes générations », explique-t-elle. « On se retrouve avec des décideurs qui sont élus par une population beaucoup âgée que la population électorale potentielle, et qui laissent de côtés les grands enjeux qui préoccupent la jeunesse », ciblant ici la transition écologique en priorité.
Recréer une habitude du vote
Aussi, une des solutions pour réconcilier les jeunes avec les urnes, avancée dans les débats sur le sujet, demeure l’ouverture du droit de vote aux jeunes de 16 ans. Une mesure déjà adoptée par plusieurs pays de l'Union européenne comme l'Autriche, Malte et récemment la Belgique pour les prochaines élections européennes de 2024.
La proposition figurait d’ailleurs en bonne place parmi les 325 propositions adoptées en avril 2022 par la « Conférence sur l’avenir de l’Europe », portée par le président français Emmanuel Macron. Elle enjoignait les pays européens à ouvrir aux jeunes de 16 ans la possibilité de voter aux élections européennes.
Une solution défendue aussi par Céline Braconnier pour plusieurs raisons. D’abord, il est important selon elle de recréer une habitude du vote. L’abstention des jeunes s’explique par plusieurs facteurs, mais l’un d’eux relève d’une rupture générationnelle. « Aujourd’hui, les jeunes ne culpabilisent pas de s’abstenir », explique la professeure de sciences politiques.
Aussi, il serait urgent selon elle de recréer un sentiment de responsabilité citoyenne et d’habitude du vote dès le plus jeune âge. « L’habitude prise de voter, quand elle est prise très tôt, et que les plus jeunes votent ensuite trois ou quatre fois d’affilée, on sait qu’ils deviendront des votants plus constants par la suite », détaille-t-elle comme premier argument.
L’instruction civique à l’école comme chantier principal
Pourtant, de prime abord, la solution paraît paradoxale. « Aujourd’hui, si on ouvrait le droit de vote aux jeunes de seize ans sans repenser le rôle de l’école, on risquerait d’augmenter l’abstention, tout simplement ». Ainsi, c’est tout le rôle de l’école dans l’instruction civique qu’il est nécessaire de repenser selon elle.
Comment savoir si l’on est inscrit sur une liste électorale, quel bureau de vote nous est attribué ? Autant de questions pratiques dont les réponses sont aujourd’hui inconnues par un nombre important de jeunes et que l’école devrait replacer au cœur de son apprentissage civique, selon Céline Braconnier. Une solution simple à mettre en œuvre
« l’introduction d’un module de deux jours » dans le parcours scolaire, propose Céline Braconnier.
Mais la chercheuse reste pessimiste. « Aujourd’hui il y a un tabou sur la politique à l’école. Dans un devoir de neutralité, les enseignants demeurent frileux à l’idée de parler politique en classe », estime-t-elle tout en pointant aussi les réserves du ministère de l’éducation nationale pour ouvrir le débat dans les établissements scolaires.
Pour le moment aucune expérimentation du vote à 16 ans n’est prévue dans de l’Hexagone à l’approche des élections européennes, regrette Céline Braconnier, alors même que ces élections seraient « un bon cadre d’expérimentation ». « Il y a un débat à avoir sur la façon de procéder parce qu’il n’y a pas mieux qu’une expérimentation pour voir ce que cela donnerait ».